Plusieurs semaines se sont écoulées depuis
le début de cette prise en charge insolite.
Je me suis progressivement habituée à
l’ambiance qui règne dans cette maison, mais je reste
cependant prudente.
Les
enfants de Mme Amsterdam m’ont recontacté quelques jours après mon premier
passage et ont évoqué à bas mots la schizophrénie d’Ernestine.
Ils minimisent les troubles malgré les
hospitalisations d’office* à répétition consécutives à des agressions verbales
ou physiques de personnes sur la voie publique.
Un fait grave est survenu quand elle était
âgée de vingt ans.
Ernestine a poignardé un voyageur dans le
métro.
Lors du procès, les expertises
psychiatriques ont montré une irresponsabilité
pénale, elle a donc été hospitalisée plusieurs années dans une unité pour
malades difficiles, et elle vit maintenant depuis une quinzaine d’années chez
sa mère, avec une surveillance médicale renforcée. Elle doit se présenter
régulièrement aux rendez-vous médicaux qui lui sont fixés au centre
médico-psychologique dont elle dépend.
Aujourd’hui, Ernestine est stabilisée mais
« réputée dangereuse ».
Le couple qu’elle forme avec sa mère est
pathologique car l’une ne peut vivre sans l’autre mais chacune participe à la
destruction de l’autre.
Mes visites ont lieu invariablement à la
même heure.
Ernestine s’assoit dans son fauteuil face
à la porte d’entrée du salon avec sa bouteille de « Coca rouge »
coincée sous son bras droit, son cendrier posé sur un guéridon placé à gauche
une cigarette à la main.
C’est une grande tabagique puisqu'elle fume trois à quatre paquets de cigarettes par jour, sans jamais aérer la pièce où
elle se trouve car « sa mère n’aime pas les courants d’air ».
Mon premier geste quand j’arrive est donc
d’ouvrir la fenêtre pour ne pas mourir asphyxiée….
Chaque jour, à la même heure.
Et pour cause….Ernestine a passé la plus
grande partie de sa vie hospitalisée dans des services psychiatriques dit
« fermés ».
Au sein de ces lieux de soins, la vie des
malades est encore plus ritualisée que dans un service de soins généraux.
Ils se lèvent, prennent leurs repas et
leurs traitements à heures fixes, rencontrent les médecins, la famille dans un
cadre prédéfini à l’avance, et il est difficile de déroger aux règles fixées.
Elle est donc formatée et le moindre
changement dans ses habitudes peut provoquer chez elle de grandes colères.
Aujourd’hui tout ne va pas se passer comme
d’habitude.
En effet ma journée débute par une dizaine
de prises de sang à domicile et certains patients s’avèrent difficiles à
prélever. Je prends donc progressivement du retard. Un certain nombre de
rendez-vous s’enchainent au cabinet, et
deux de mes patients ne se présentent pas
à l’heure convenue mais un bon quart d’heure plus tard chacun.
Il est donc 13 heures passé lorsque je me
présente chez Mme Amsterdam, soit 60 minutes plus tard que mon heure d’arrivée
habituelle...
Machinalement, je pousse la grille du
jardin et je traverse les herbes folles au pas de course.
Je frappe à la porte deux fois et comme il
est convenu entre elles et moi je rentre dans la maison.
Tout est calme.
Je préviens de mon arrivée en disant
« bonjour » d’une voix forte.
J’ouvre la porte du salon, Ernestine me
fait face dans son fauteuil.
Elle me dévisage d’un œil noir.
Sa mère est assise
dans le canapé situé à la droite de celui de sa fille, et regarde d’anciennes
photos qu’elle commente à haute voix comme si nous n’existions pas.
-Bonjour, comment allez-vous ?
Ernestine me répond de sa voix trainante,
neuroleptisée
-Bonjour. C’est plutôt moi qui doit
prendre de vos nouvelles !
Je m’accroupis face à elle pour prendre
appui sur la table basse et je commence à retirer les médicaments un à un de
leurs blisters.
Sa
mère continue à commenter les photos :
-c’était à Knoke, maman ne voulait pas se
baigner…
Je commence :
-oui il y a eu beaucoup d’imprévus ce
matin et….
Brutalement, Ernestine se lève et s’avance
vers moi rapidement, en hurlant :
-Arrêtez de mentir !!! Je ne suis pas
folle !!! .
Surprise par sa réaction, je suis
déséquilibrée et je tombe sur le côté droit.
Hirsute, elle lève la main vers moi, et me
relève d’une poignée franche…
Imperturbable sa mère réfléchit à haute
voix :
-Knoke non ce n’était pas Knoke….
Je ne comprends pas ce qui se passe car
tout s’est passé très vite.
Ernestine lâche ma main et se dirige vers
l’entrée en vociférant :
-vous voulez profiter d’une handicapée, c’est
ça Maria, ras-le-bol de vos mensonges !!!
Je me retourne et j’aperçois une
silhouette dans l’entrée, très certainement la fameuse Maria.
Je tente une diversion :
-Dites-moi Ernestine, vous oubliez vos
cigarettes !
Elle s’arrête brutalement, se retourne
lentement, et me fixe.
-vous êtes complice ?
- complice ?
-vous comprenez parfaitement.
Elle se redirige vers moi.
Le téléphone sonne.
Elle s’arrête, et se dirige vers l’appareil :
-Bonjour Claudine, je vais devoir
raccrocher l’infirmière est là.
Long silence
-je te la passe.
Elle raccroche.
Je me retourne et je la regarde longuement .
-je crois que vous n’allez pas bien Ernestine…
Silence
-je savais que vous étiez complice.
Elle s’assoit et allume une cigarette.
-je vais appeler les pompiers Ernestine,
et tout se passera bien.
Je compose le 18 une fois de plus cette
semaine, en espérant que leur intervention se déroule le mieux possible.
(*L'hospitalisation
d'office s'applique aux personnes dont les troubles mentaux compromettent
l'ordre public ou la sûreté des personnes. Elle appartient au Préfet ou en cas
de péril imminent au Maire de la Commune concernée.)
Peggy, je te le dis sincèrement tu as de la plume. A tel point qu'il faut pour essayer, quand tu auras le temps, de faire un recueil de "Les petites histoires de Peggy". Bien sûr il y aura des détracteurs, comme j'en ai eu au début. Mais très peu car j'ai eu plus de personnes qui attendaient que j'ai eu terminé de l'écrire. Il me semble avoir lu que tu étais sur une piste pour les mettre sur papier. Ok c'est super, mais attention, le monde du livre est rempli de requins . Je n'ai pas pris de maison d'édition pour mes livres et c'est aussi bien. Car en prendre une cela veut dire que la rétrocession est une misère. Exemple si une maison d'édition te le propose, sache bien que sur un recueil qui aura manifestement du succès, si tu le vends 15, 00 euros par exemple, la maison d'édition te reversera 1,80 voire 2,00 euros, et le reste c'est pour leur poche. Mais quand tu en seras rendue à ce stade , je ne t'interdis pas de me contacter, je ne te dirai pas ce qu'il faut que tu fasses, tu es une grande Fille, et tu as la tête sur les épaules; par contre je me permettrais, si tu le veux et le souhaite, te dire ce qu'il ne faut surtout pas faire.
RépondreSupprimerEn tout cas, re-bravo, Peggy, je me suis régalé pour la suite chez les fous.
Jean-Marie BOULENOUAR
Un grand merci pour tes encouragements, c'est toujours très important lorsque l'on présente ce que l'on écrit de recevoir des critiques positives car ce n'est pas une démarche aisée de se livrer.Effectivement j'en suis aux prémices de l'élaboration de mon recueil et je me rends compte que c'est très difficile:par ou commencer, à qui s'adresser....Je vais m'y consacrer cet été et dès la rentrée l'affaire commencera à prendre forme. Je n' hésiterai pas à venir vers toi car tu as l’expérience que je n'ai pas encore.Merci encore pour ton soutien.
RépondreSupprimera bien
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